Saturday, January 16, 2010

La légitimation d'une forme de transmission culturelle et son rôle dans la société 2K: la télévision.

Les sociologues chercheurs semblent privilégier les thématiques d’études qui sont en relation avec des pratiques culturelles considérées comme „légitimes”, c’est pour cela que les études réalisées sur la relation entre la culture et la télévision ont été laissées dans l’ombre. L’enjeu c’est de comprendre d’une part pourquoi et comment s’est produite cette marginalisation de la télévision dans le champ culturel afin d’arriver aux études les plus récentes à ce sujet; d’autre part, d’essayer de révéler quels éléments pourraient aider à cette forme de culture, considérée comme marginale, à émerger dans le champ culturel en tant que forme artistique et culturelle dont les divers programmes participent, d’innombrables façons, à l’harmonie et à la communication au sein d’une société.

Ce qui est paradoxal, c’est que pendant que les études évaluant la télévision en tant que vecteur culturel sont en défaut, la contrepartie est que le public de cette forme culturelle est très grand. Dans les années 60 les recherches de deux sociologues Joffre Dumazedier[1] et Georges Friedmann présentent la télévision et sa relation à la culture populaire. Selon Dominique Pasquier[2] ces écrits ne font pas des références péjoratives à la télévision mais tout au contraire.

La télévision est présente dans plusieurs ouvrages en faisant l’objet d’études venant de domaines et points de vue différents mais sa relation avec la culture a été très peu exploitée. C’est peut être car, il est difficile de mesurer l’adhésion à ce type de culture. Les données concernant le public sont très variables et il est d’autant plus difficile de mesurer le public des émissions culturelles sur les innombrables chaînes de télévision. Il est aussi difficile de mesurer ses effets sur son public : engagement, interaction, sociabilité voire apprentissage, même si a priori nous sommes conscients, par nos pratiques quotidiennes et expériences personnelles, que ces effets existent.

Dominique Pasquier remarque que les auteurs qui se sont intéressés à la sociologie du loisir considèrent que la télévision ne peut être instrument de démocratisation culturelle que si elle stimule le public à „aller vers le haut [en le confrontant] aux grandes oeuvres”[3].

Selon les propos de Dominique Pasquier, à la même époque un autre courant est apparu, concernant ce domaine de recherche, dont le chef de file était Edgar Morin (L’Esprit du Temps), qui étudiait les valeurs sociales promues par la culture de masse. Dans l’étude de Morin la télévision occupait une place marginale dans le sens que les valeurs qui étaient à l’époque promues (mythologie du bonheur individuel, la culture jeune, la valorisation des valeurs féminines...) étaient moins renforcées dans le domaine de la télévision que dans les autres secteurs de l’industrie culturelle.

L’évolution de la télévision a prouvé dans le temps qu’elle était fortement contrôlée politiquement[4] (et non seulement en France mais aussi en Italie et in extenso dans tous les pays), qu’elle était et reste encore gouvernée par les politiques de marketing et par la domination des intérêts économiques (invasion de la publicité dans toutes les émissions télévisées qui sont très souvent interrompues par de longues pauses publicitaires) et bien évidemment s’enchaîne à cela la notion de programmes télévisés commerciaux, life style, avec valences (l'assignation d'une valeur à une représentation dont elle devient partie intégrante) d’influence du public vers une mode et qui encouragent fortement le public à s’orienter vers l’adoption d’une ou plusieurs idées en fonction des intérêts de la direction. L’évaluation du nombre d’émissions qui passent à la télévision et qui participent à l’orientation et l’encouragement du public d’adopter une vision ou une autre pose également problème. Par ailleurs, on peut difficilement rendre compte du phénomène „d’anesthésie de l’esprit critique”. Certes on pourrait lui reprocher d’impliquer le public dans des émissions qui consomment beaucoup de temps, qui ne lui apprennent rien (car pur divertissement) et qui sont une alternative, moins ou pas du tout éducative, à d’autres passe-temps qui seraient plus utiles pour l’évolution de l’individu. Ce que nous pourrions prendre en compte c’est que la télévision propose une offre très large d’émissions qui touchent tous les points d’intérêt (des moins cultivantes à celles qui enseignent et permettent à un nombre très large de personnes à accéder à des informations auxquelles ils n’auraient pas accès aussi facilement et d’une manière aussi commode). Nous pourrions aussi noter que ces choix sont quand même faits par le public et que si les formateurs d’opinion, les enseignants et la famille devaient participer plus activement à orienter les jeunes vers les émissions éducatives et culturelles, au lieu de stigmatiser la télévision ou d’interdire l’accès à cette forme de transmission de connaissances, peut être alors qu’en devenant adultes, en apprenant à faire des choix réfléchis, à trancher entre ce qui leur convient et ce qui ne leur convient pas, ils arriveraient à développer leur esprit critique. Ce qui pose un problème réel c’est de constater qu’une partie du public de la télévision (notamment les masses) n’a pas développé un esprit critique, fait des choix d’émissions qui ne n’enrichissent pas leurs connaissances et elle vient devant le poste de télévision comme proie à une incantation. Or, les politiques culturelles actuelles encouragent l’ouverture vers un grand nombre de manifestations culturelles qui font participer un public très varié. Ces politiques encouragent le développement de relations sociales, le contact avec des formes artistiques différentes et le développement dans le temps de l’esprit critique. En faisant participer les masses à des événements culturels elles ne se sentent plus rejetées, marginalisées, et étrangères des phénomènes culturels en plein essor.

Nombreux sont ceux qui condamnent la télévision pour ses méfaits. Nombreux sont ceux qui, depuis une longue période déjà, ont choisi la télévision comme vecteur culturel et d’information primordial, avant même la lecture et les autres activités socioculturelles. Ces faits et leurs causes sont aussi évidemment énoncés et véhiculés qu’on pourrait se demander comment la télévision réussit à surprendre avec des taux de rating aussi considérables et comment elle réussit à rester dans le top des préférences des auditeurs consommateurs avant d’autres activités culturelles comme la lecture, le cinéma, le spectacle vivant, les visites aux musées et ainsi de suite?

En France, pendant les années du premier ministère d’André Malraux le développement des équipements culturels a constitué l’axe majeur des politiques publiques. Les français ont vu les pratiques et les consommations culturelles se diversifier grâce à la croissance et au progrès de l’audiovisuel, de la scolarisation ainsi que des efforts de l’Etat et de ses représentants locaux dans le domaine de l’aménagement culturel du territoire et des politiques de la démocratisation de la culture. Malgré cela il existe encore des disparités dans les milieux sociaux dans le domaine des pratiques culturelles. Ces différences nettement énoncées dans les documents officiels du Ministère Français de la Culture sont aussi valables dans le cas d’autres pays. Les contraintes économiques, les questions d’emploi du temps, d’éducation mais aussi d’autres raisons, confortent l’hypothèse selon laquelle le vecteur culturel principal reste pour un grand nombre de personnes la télévision. En 1973, 85% des ménages français avaient au moins un poste de télévision et en 2003 près de 80% des ménages possédaient un magnétoscope[5].

La télévision peut être considérée comme une alternative à d’autres formes culturelles plus ou moins consacrées car elle est plus accessible au grand public si l’on prenait en considération le prix de l’accès aux services culturels qui fait partie des raisons du choix déterminant de la population. La télévision a un grand nombre d’admirateurs que ce soit de point de vue professionnel ou personnel en tant qu’auditeurs mais, elle a aussi ses critiques qui jugent son côté profondément attaché au marketing, au rating et à son côté industriel qui produit et fait gagner des sommes importantes sans servir pour autant aux fins nobles de la culture savante. Parmi ses critiques nous pouvons compter des auteurs comme Pierre Bourdieu et Jean Cluzel qui à maintes reprises ont démystifié la télévision en attirant l’attention sur ses défauts : « pseudo culture » du contenu que la télévision transmet (Jean Cluzel) ou encore le faible pouvoir de la télévision de convaincre les auditeurs de choisir les émissions culturelles dans le top de leurs préférences « même avec les meilleures émissions du monde, on ne cultive pas ceux qui ne le désirent pas »[6] (Jean Cluzel).

Comme l’explique Olivier Donnat il y a deux axes qui se distinguent dans cette polémique sur la télévision et son rapport à la culture: le rapport esthétique/économique et celui éducatif/ludique[7]. On pourrait reprocher à la télévision qu’elle joue un rôle important dans l’influence du public en décidant de former des goûts, de mettre en avant des oeuvres artistiques plus que d’autres, à faire des choix sans donner le choix. On peut aussi lui reprocher de taire des informations et de décider du destin d’artistes en diffusant trop ou pas du tout d’informations sur eux et leurs oeuvres. Qui est donc cette télévision? Un personnage invisible et arbitraire?

La notion de culture et celle d’art sont si variées qu’elles peuvent contenir presque tout (bandes dessinées, cirque, art abstrait etc.) en fonction de nos connaissances et nos points de vue ainsi que notre capacité de compréhension et d’adoption de ces formes variées.

Toutes ces formes appartiennent à la culture (dans le sens qu’on définira par la suite comme étant le point de départ de la discussion).

Toutes ces formes font partie d’un domaine appelé tout simplement création artistique.

Un objet culturel transmis par la télévision est le documentaire. Par l'intermédiaire du documentaire on découvre l'importance de l'objectivité, l'image et la capacité de cerner des éléments qui n'apparaissent pas dans les textes (plus ou moins subjectifs). L'information traitée peut changer le point de vue. On peut constater un changement dans la manière de voir l'information. Il y a des films traitant d'un sujet historique et des documentaires. Parmi les documentaires il y a ceux qui montrent des images du passé, recueillies des archives avec une narration travaillée mais aussi de documentaires faits sur place, qui peuvent avoir des commentaires ou qui n'en ont pas. Ces derniers permettent aux téléspectateurs de développer un point de vue critique sur les événements présentés. Par exemple la différence entre la séquence filmée réelle et la séquence traitée et transmise sur internet qui donne une distanciation. Il y a, a priori, plusieurs façons de traiter l'information transmise. La manière dont l'information est traitée peut donner un axe d'évaluation de la typologie du document présenté ainsi que sa valeur éducative et culturelle.

A partir de ces prémisses on peut supposer, au point de départ de notre recherche, qu’il est possible de débuter l’analyse en considérant que la télévision est une forme de culture et en même temps un instrument de transmission de la culture. Notre choix n’est pas de renforcer l’éloge de la télévision au détriment des autres formes de manifestations culturelles. Notre intention est de vérifier, si possible, quelles sont les nouvelles formes d’adaptation de la télévision aux besoins du public, et si ces méthodes participent à la démocratisation de la culture. Nous souhaitons aussi vérifier quelles sont les raisons pour lesquelles on choisirait la télévision comme une alternative viable pour l’avenir en prenant en compte que de nombreux efforts sont fait pour construire des programmes culturels adaptés à tous les niveaux d’âge mais en prenant en compte aussi le progrès technique qui permettent aux auditeurs d’être informés facilement, de changer de sujet rapidement, d’accéder à des réalités qui se trouvent à une „distance” impossible à atteindre autrement. Enfin, comment la télévision participe-t-elle à la politique de réduction de la distance culturelle et la distance sociale qui constituent pour certains publics des obstacles considérés par Catherine Trautmann[8], comme fondamentaux.

En réfléchissant sur la relation entre la culture et les médias et plus spécialement ce qui sépare et unit la culture et la télévision, nous nous sommes rendus compte que plusieurs questions ont été déjà posées. Nous souhaitons donc, les reprendre et essayer de trouver de nouveaux arguments en faveur d’une meilleure acceptation de la télévision en tant que vecteur de démocratisation de la culture.

Afin de répondre à nos questions de départ et de vérifier nos hypothèses nous allons nous servir d’enquêtes, entretiens et une étude de cas.

Nous désirons vérifier par cette étude quelles sont les nouvelles orientations de la télévision en termes de culture. Tout d’abord, nous proposons d’éclaircir le sujet en apportant quelques définitions qui viennent à l’appui de la problématique abordée et ensuite, dans un premier temps investiguer la littérature qui traite de ce sujet ainsi que les statistiques qui vont avec et dans un second temps nous souhaitons analyser quelques entretiens que nous avons réalisés afin de compléter nos analyses personnelles. Ces entretiens ont été réalisés avec d’une part des personnes qui travaillent dans la télévision, d’autre part, des entretiens avec des personnes qui travaillent dans le domaine culturel ou en dehors de la télévision afin d’évaluer leurs choix et leur point de vue sur la question de la relation entre la télévision et la culture (éducation, information). Enfin nous souhaitons profiter de l’expérience en tant que stagiaire en vue de donner un exemple d’une activité culturelle liée à la télévision et comment le monde de la télévision participe à la démocratisation de la culture, problématisation généralisée du monde social.

Nous avons choisi afin d’accomplir cette tache, d’une part d’intégrer les entretiens et discours au sein de notre analyse afin d’observer et de mettre en relation les différents points de vue. D’autre part, nous considérons intéressant de s’appuyer sur un cas précis afin de discuter plus concrètement le sujet. Nous avons par conséquent, choisi de discuter de l’exemple roumain : TVR Cultural.

Comme nous le verrons par la suite, l’enquête et la permanente interrogation et mise en question nous suivront au long de notre étude. Nous avons juge intéressant d’aller aux sources orales, c'est-à-dire, provoquer des conversations avec des interlocuteurs avisés du domaine culturel et celui de la télévision, afin d’établir une base nouvelle de recherche dans le domaine. Au-delà des écrits scientifiques déjà connus, la télévision est une source permanente et renouvelable d’expertise dans le domaine, ce qui a facilite et nous a permis la rencontre avec ses professionnels. L’expérience ainsi que les conclusions de notre « contemplation », ont permit d’arriver à des débats intéressants et inédits que nous souhaitons, par la suite, présenter.

Nous vous proposons par la suite trois grands axes principaux: une théorie introductive, des discussions sur la télévision en vue d’établir son rôle dans la culture et la société 2K et des discussions qui portent sur la télévision en Roumanie avec un exemple concret: TVR Cultural. Selon ces axes d’analyse, nous tacherons de discuter autour du sujet très vaste qu’est la télévision en essayant de répondre aux questions que nous nous sommes posées.

Nous sommes partis des hypothèses de recherche suivantes : la télévision occupe un rôle important au sein de l’espace public. Une des activités quotidiennes est de regarder la télévision qui est à la fois une source d’information et de divertissement. Nous considérons qu’il est légitime de se demander quel est rôle de la télévision au sein de la culture au XXI–ème siècle. Nous considérons intéressant d’étudier le rôle de médiateur culturel de la télévision et de voir quel autres fonctions peut celle-ci avoir dans le monde culturel. Nous nous demandons enfin quel rôle a la télévision dans le cadre de la démocratisation de la culture ?

Nota Bene : Cette expérience académique et professionnelle a été enrichissante de plusieurs points de vue. D’une part des points de, vue évidents plus hauts mentionnés. D’autre part, de point de vue culturel et humain.

Avant d’inviter le lecteur à plonger dans une lecture approfondie de cette étude, nous l’invitons à prendre en compte ces propos et de tenir compte d’un argument que nous avons toujours eu à l’esprit mais qui après cette expérience nous est encore plus vif à l’esprit que jamais : la télévision a débuté comme un instrument culturel. C’était des le début un instrument culturel non seulement grâce à ses fins, mais aussi grâce aux moyens qu’elle se donnait. La télévision est avant tout un collectif de personnes qui, pour la plupart d’entre elles, se sont investies à vie dans ce travail qui s’avère en fin de compte être une passion. La télévision comme tout autre élément de la société, est exposée aux mutations sociales et aux dérives et changements culturels.



[1] Cf. Télévision et éducation populaire,avec B.Sylwan, Unesco, Paris, 1955

[2] Directrice de recherche CNRS qui privilégie l’étude des publics et des médias.

[3] Dominique Pasquier, http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/docs/00/06/22/48/PDF/sic_00000637.pdf, consulté en février 2009.

[4] Rémy RIEFFEL, “Que sont les medias?”, Gallimard, Paris, 2005.

[5] Philippe COULANGEON, „ Sociologie des pratiques culturelles”, Ed. La Decouverte, Paris, 2005, p.5-6.

[6]Jean CLUZEL, La télévision après six réformes. Paris: JC Lattès et Licet, 1988.

[7] Olivier DONAT, Les français face à la culture. Éditions La Découverte, 1994.

[8] Les mesures nouvelles en faveur de la démocratisation de la culture, Communication en Conseil des Ministres de Catherine Trautmann le 23 juin 1999

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